En Indonésie, une élection influencée par une campagne éclair sur TikTok


Le candidat Prabowo Subianto, dans un bureau de vote à Bogor, mercredi 14 février.

La bataille de l’élection présidentielle indonésienne se joue sur TikTok – ou du moins, c’est ce qu’espère le général Prabowo Subianto, à 72 ans le plus âgé des trois candidats en lice. Favori des sondages, il domine sans partage le réseau le plus utilisé de la jeunesse : TikTok compte 110 millions d’utilisateurs en Indonésie, plus qu’aux Etats-Unis.

En tout, 204 millions d’Indonésiens – sur une population de 273 millions – sont susceptibles de voter mercredi 14 février. La raison ? L’âge de la majorité est à 17 ans et les mineurs mariés ont le droit de voter ; 56 % des électeurs ont moins de 40 ans.

M. Subianto – qui fait équipe, pour le poste de vice-président, avec le fils de 36 ans du président sortant, Joko Widodo –, a fait l’objet d’une métamorphose totale sur TikTok : les usagers du réseau de partage de vidéos de l’entreprise chinoise ByteDance en ont fait un « papy » inoffensif et sympathique. Les mouvements de danse maladroits et lourdauds qu’il exécute à ses meetings sont devenus un « mème » viral. Ils l’appellent affectueusement « gemoy » (la « bouille ») et les affiches de sa campagne le montrent, au côté de Gibran Rakabuming Raka, le fils de Widodo, sous les traits lisses d’un personnage de dessin animé, avec de grands yeux.

Prabowo (les Indonésiens se désignent par leur prénom) avait perdu à deux reprises contre M. Widodo, en 2014 et 2019, avant que celui-ci n’en fasse son ministre de la défense, puis ne l’adoube indirectement en l’affublant de son fils comme coéquipier – lui faisant bénéficier par procuration d’une popularité restée robuste en fin de deuxième mandat. Or Prabowo, c’est aussi la résurgence du passé militariste de l’Indonésie : beau-fils du dictateur Suharto jusqu’à sa chute, en 1998, il fut l’exécuteur de certaines de ses basses œuvres, comme commandant des forces spéciales. « Lors des présidentielles de 2014 et de 2019, Prabowo cultivait l’image d’un homme fort, qui ne se laissait pas faire. Ils ont réussi à imposer un ton léger, badin. Les principaux utilisateurs de TikTok, la génération Z [fin des années 1990 et début des années 2010] n’ont pas connu 1998 [l’année de la chute de Suharto] », explique, dans ses bureaux de Djakarta, Yose Rizal, créateur du laboratoire d’analyse des réseaux sociaux Political Wave.

Des anonymes plutôt que des bots

« Lors des élections précédentes, le candidat qui dominait sur Facebook et Twitter était en tête dans les sondages. Cette fois-ci, c’est TikTok, pour la première fois », poursuit l’analyste. Le réseau est doté d’une capacité de dissémination spectaculaire, les messages vidéo pouvant être retransmis sur d’autres plates-formes, comme WhatsApp. Une fan de Prabowo qui n’a que 19 000 abonnés a, par exemple, réussi à faire 7,5 millions de vues en diffusant une seule vidéo du candidat au moment où, lors d’un débat télévisé, il semble « souffler », se penchant vers sa tasse de café. « Le ton du message dit : “vous voyez, c’est dur, il souffre, tout ça pour le bien du peuple” », dit M. Rizal. Les « bots », prévalents lors des campagnes précédentes – notamment pour mener des attaques contre des cibles – ont laissé la place à des acteurs en chair et en os : des « buzzers » (des anonymes payés pour diffuser des messages) et des influenceurs à la solde – eux aussi payés. La campagne du candidat Prabowo, largement en tête des dépenses – il est multimillionnaire et soutenu par d’autres oligarques – y a largement recouru, selon les observateurs.

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Catégorie article Politique

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